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Le droit à l’IVG est-il menacé en France ?



Suite à la décision de la Cour Suprême des États-Unis le 24 juin 2022 d’abroger Roe v. Wade, le droit à l’avortement est fragilisé dans le pays. De nombreuses personnes s’interrogent sur la protection de ce droit en France. Nous proposons donc un tour d’horizon sur la question de l’IVG (interruptions volontaires de grossesse) afin de mettre en perspective la situation de la France par rapport à celle des États-Unis. Nous avons également préparé des articles sur l’histoire de l’IVG en France, et sur ce que le droit français permet en matière d’IVG.


  1. Ce que pensent les Français et Françaises de l’IVG

  2. Mise en perspective par rapport aux États-Unis

  3. Les avis politiques

  4. Un droit qui reste cependant limité et inégal sur le territoire


Que pensent les Français et Françaises de l’IVG ?


En septembre 1974, à quelques mois du vote de la loi Veil, 48% des personnes interrogées se disaient favorables à l’avortement, en témoigne cette vidéo d’archives de l’INA.

Près de 50 ans après sa légalisation, le droit à l’avortement fait l’objet d’un consensus en France. Selon une enquête publiée en juin 2022 par la Fondation Jean Jaurès, 78% des personnes interrogées en métropole estiment qu’« une femme* doit avoir le droit d’avorter librement ». Par ailleurs, parmi les Occidentaux qui estiment qu’il faut poser le moins de limites au droit à l’avortement dans leur pays, les Français et Françaises arrivent en tête de classement. Une étude internationale menée en 2020 met en lumière l’attachement fort des Français - les - à une législation libérale de l’avortement, c’est à dire que la patiente puisse y recourir à sa libre demande. Ils figuraient dans le top 3 des plus libéraux après la Suède et le Royaume-Uni.


Aujourd’hui, en France, il n’y a aucune proposition de loi qui vise à remettre en question le droit à l’IVG. Au contraire, les lois cherchent plutôt à le consolider. Marie Mesnil, juriste et maîtresse de conférences en droit privé à l'université de Rennes 1, nuance néanmoins dans un article pour La Dépêche en octobre 2022 :

“il ne faut pas perdre de vue que, aujourd’hui, les obstacles à l’IVG se trouvent plus dans sa mise en œuvre et donc dans l’effectivité du droit. Il y a, par exemple, encore une clause de conscience spécifique à l’IVG qui permet à certains praticiens de refuser de la pratiquer. Il y a aussi des problèmes au niveau des hôpitaux publics pour accéder à un certain nombre de services."


Mise en perspective par rapport aux États-Unis


La remise en cause du droit à l’IVG aux États-Unis a montré que ce droit n’avait rien d’irréversible, comme le rappelait Simone de Beauvoir à Claudine Monteil suite à l’approbation de la loi Veil :

“N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant”.

Cependant, la laïcité est solidement inscrite dans la société française, et l’impact des discours “pro-vie” est bien plus restreint qu’aux États-Unis, ne dépassant pas les milieux religieux, principaux moteurs de la mouvance opposée à l’IVG en France. Dans l’Hexagone, les partisans du droit à l’avortement libre sont très majoritaires (66% des Français de 16 à 76 ans selon une enquête IPSOS de 2020) alors que les Américains restent peu favorables à une législation “libérale” de l’avortement.


À ce jour, le Code de la santé publique (article L2212-1) protège le droit à l’avortement. Cette disposition est de nature législative, ce qui signifie qu’une autre loi peut venir défaire ce droit ; il est donc possible en France de remettre en cause l’IVG. Mais contrairement aux États-Unis, la remise en cause de ce droit ne dépend pas de neufs personnes désignées à vie par la présidence, mais par le pouvoir législatif, le Parlement, davantage représentatif des citoyennes et citoyens dans son mode d’élection.

D’un point de vue légal, ce qui s’est passé aux États-Unis ne semble donc pas pouvoir se reproduire en France. La question se pose néanmoins si l’on observe l’organisation politique des militants “pro-vie” aux États-Unis et leur impact à travers le monde. Pour Véronique Séhier, ancienne coprésidente du Planning Familial et ex-membre du Haut Conseil à l’égalité, la France ne fait pas exception aux mouvements anti-IVG :

“Aux États-Unis, cela fait 50 ans qu’une droite chrétienne et conservatrice s’oppose à l’avortement. Ces mouvements se sont amplifiés et Trump les a vivement encouragés et a donné, au sein de la Cour suprême, une place importante aux juges extrêmes. Est-ce qu’on est à l’abri de ça en France ? Je ne suis pas sûre. Ces mouvements existent ici aussi. Ils existent également en Europe et sont très bien organisés. Ce sont eux qui ont travaillé avec le gouvernement polonais contre l’avortement.” (citation tirée d’un article de La Dépêche, octobre 2022)


Les avis politiques


Suite à l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade en juin 2022 (pour plus d’informations, voir notre article sur le sujet), la présidente du groupe La France Insoumise à l’Assemblée Nationale, Mathilde Panot, a proposé avec l’intergroupe parlementaire de la NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), de cosigner une proposition de loi constitutionnelle visant à protéger le droit fondamental à l’IVG. Par la suite, le groupe des députés La République En Marche a annoncé le dépôt d’une proposition de loi similaire.


L’enquête de la Fondation Jean Jaurès (juin 2022) révèle que, au-delà des 81% des Français favorables à l’inscription de l’accès à l’IVG dans la Constitution française, tous les électeurs représentés à l’Assemblée nationale soutiennent également cette idée en masse, autant à droite (76% des sympathisants Les Républicains, 73% des sympathisants Rassemblement National) qu’à gauche (94% des sympathisants Europe Écologie Les Verts, 91% des sympathisants socialistes, 83% des sympathisants La France Insoumise) de l’échiquier politique. Au centre, 84% des personnes approuvent la constitutionnalisation de l’IVG. Si certains leaders politiques, comme Marine Le Pen qui a déclaré : “cette agitation ne me paraît pas justifiée“ s’interrogent sur l’utilité d’un tel projet, leur électorat ne suit pas pour autant. 70% des sympathisants du Rassemblement National jugent “utile” l’inscription de l’IVG dans la Constitution française.


Le 21 octobre 2022, le Sénat a néanmoins rejeté l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Ce projet, porté par la députée Mélanie Vogel, n’est pourtant pas enterré : d’autres textes seront examinés par l’Assemblée nationale en novembre.



Un droit qui reste cependant limité et inégal sur le territoire


Bien que la remise en question du droit à l’IVG en France ne soit pas un sujet d’actualité, son accessibilité varie en fonction des territoires, voire peut s’avérer fragile. Yves Ville, dans l’introduction du rapport parlementaire sur l’accès à l’IVG en France en 2020, l’explique :

“l’IVG apparaît en effet bien souvent comme simplement “tolérée” en France mais pas toujours garantie. (...) Dans les faits, ce droit chèrement et durement acquis demeure fragile et il faut demeurer extrêmement vigilant sur l’exercice de celui-ci si l’on veut garantir à l’ensemble des femmes présentes sur le territoire français un égal droit d’accès et une réelle liberté de choix quant à la méthode (médicamenteuse ou chirurgicale)”.

Dans les faits, selon le rapport parlementaire cité ci-dessus, le droit à l’IVG se heurte à quelques obstacles d’accessibilité sur le territoire français :

  • De nombreuses structures ont fermé ces dernières années : selon le Planning Familial, 130 centres d’IVG ont fermé en 15 ans ; et selon le Monde, 45 établissements hospitaliers pratiquant l’IVG ont fermé entre 2007 et 2017. Si ces chiffres sont en baisse, le nombre d’IVG, lui, reste stable, provoquant ainsi un manque d’infrastructures par rapport aux besoins observés dans certains départements. Le phénomène des déserts médicaux concerne également la pratique de l’IVG.

  • Peu de professionnels pratiquent l’IVG : l’acte médical étant peu valorisé et faiblement rémunéré, il n’intéresse pas les praticiens d’un point de vue technique et scientifique. Par conséquent, les professionnels sont dans la majorité âgés, peu nombreux et parfois même absents sur certains territoires.

  • Certains établissements ou praticiens refusent de pratiquer l’IVG : en raison de convictions personnelles et de la double clause de conscience spécifique à l’IVG, ou par manque de service d’orthogénie (méthodes de régulation et de planification des naissances) dans certains hôpitaux.

  • La désinformation constitue aussi un frein d’accès à l’IVG : malgré le délit d’entrave à l’IVG, il existe encore des sites fournissant des informations biaisées et idéologiquement orientées, qui désorientent les femmes sous apparence de neutralité voire leur mettent une pression psychologique pour les convaincre de ne pas avorter. L’un des sites internet les plus connus sur l’avortement diffuse une propagande anti-avortement et propose une ligne gratuite d’appel. Pour y faire face et contrer les informations erronées, le site ivg.gouv.fr a été lancé.


Par conséquent, toutes les femmes ne sont pas égales face à l’accès à l’IVG. Les inégalités territoriales créent des inégalités sociales. Les femmes les plus touchées sont les plus précaires, vulnérables et originaires de zones rurales où sévissent les déserts médicaux. Les délais de consultation ainsi que les trajets s’allongent : 14% des IVG en France sont réalisées hors du département de résidence des femmes. Cela rajoute de l’angoisse ainsi qu’un surplus d’organisation et de dépenses à la démarche d’avortement.


 

Pensez-vous que le droit à l’avortement soit fragile en France ?

  • Oui

  • Non


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*femmes enceintes : certaines personnes ont un sexe biologique en discordance avec leur identité sexuelle psychique. Les personnes assignées femmes à la naissance (qui possèdent un utérus) et qui ont entrepris une transition de genre (qui sont donc des hommes) peuvent donc développer une grossesse. Par souci de simplicité pour nos lecteurs et lectrices, nous nous permettons de mentionner uniquement les femmes enceintes. Ce sujet fait débat, nous reviendrons dans un article ultérieur sur la transidentité.

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